La Palestine est souvent surréaliste
: les programmes des ONG
concernant les femmes se poursuivent
comme si de rien n’était. Dans
le même temps, les femmes doivent faire
face à l’occupation, sans perspective
claire de résistance. La situation de crise
politique et le blocus imposé aux Palestiniens
par la communauté internationale
déterminent le rythme de l’élaboration
d’une nouvelle stratégie pour le mouvement
des femmes en redonnant de
nouveau la prédominance au combat
national. Le Comité technique des Affaires
des femmes - sorte de forum rassemblant
les organisations de femmes des
différents partis et des personnalités indépendantes- a pris l’initiative de remobiliser
les femmes sur la base des trois
documents de référence qui avaient un
peu disparu de la circulation avant les
élections : le document sur les droits
des femmes palestiniennes qui fait consensus,
le Programme de l’ONU sur l’élimination
des discriminations envers les
femmes et la Plateforme de Pékin.
Défendre les acquis
Auparavant, notre stratégie visait l’Autorité
palestinienne et toutes les institutions.
Dans le domaine de la législation - où les femmes avaient mené un travail
important - nous avons décidé que,
contrairement aux périodes précédentes,
nous ne présenterions pas de nouveaux
projets de loi, nous tenant prêtes, s’il y
avait des projets contraires aux intérêts
des femmes, à peser dans le débat pour
empêcher toute régression. Il s’agit d’une
stratégie plus préventive qu’offensive
afin de ne pas perdre ce que nous avons
acquis. Les femmes qui avaient cru bien
faire en établissant un ministère des
Affaires des femmes, au détriment des
départements femmes dans les ministères,
ont eu la mauvaise surprise de
constater que le ministère des Affaires
des Femmes avait été donné à une femme
du Hamas. C’est très frustrant de constater
qu’un outil voulu par les femmes peut
se retourner contre elles. Si nous avions
gardé les départements femmes et le
comité interministériel qui permettait la
transversalité du travail au sein des ministères,
nous pourrions mieux organiser
la résistance aujourd’hui.
Quelle attitude adopter avec le Hamas ?
Il s’est produit des différenciations politiques
au sein des organisations des
femmes sur la vision stratégique du
Hamas. Devions-nous rentrer en contradiction
avec Hamas ? Certaines féministes
de gauche faisaient l’analyse qu’il ne
fallait pas le boycotter et que la coopération
avec le ministère des Affaires des
Femmes pouvait nous permettre de toucher
largement les femmes. Je crois
qu’elles se trompent : on ne peut pas se
réclamer de l’égalité des droits, de la
liberté des femmes et penser qu’il y a
dans le programme du Hamas une possibilité
de faire avancer les femmes sur
le plan social. Par exemple, le ministère
voulait reprendre le document sur les
droits de femmes mais en l’intégrant
dans les limites définies par leur interprétation
de la Charia donc en ne retenant
pas un nombre important de revendications.
L’unité des femmes contre les violences inter-palestiniennes
Quand les affrontements armés ont commencé
à Gaza entre Hamas et Fatah, au
point que l’on pouvait craindre un début
de guerre civile, les femmes se sont
réunifiées dans une grande manifestation
qui s’est dirigée vers la présidence et
vers les bureaux du Premier ministre,
exigeant de ne plus avoir recours aux
armes et de former un gouvernement
d’unité nationale. Nous pouvons avoir
des divergences politiques, mais historiquement
les femmes, toutes les femmes
sans exception, se sont toujours réunies
lorsqu’il y a une crise de ce genre qui
touche aux intérêts du peuple et qui peut
dégénérer en guerre civile. Le comité
technique des Affaires des Femmes a
pris l’initiative de demander une rencontre aux présidents des différents
groupes parlementaires à qui nous
avons présenté un mémorandum
demandant que tous se mobilisent pour
empêcher le recours aux armes.
Les femmes et la résistance
Aujourd’hui, il me semble prioritaire
de renforcer l’action des femmes au sein
de leurs partis respectifs pour que ceuxci
adoptent des positions en faveur des
femmes. Les différentes organisations
des femmes devraient s’unir pour présenter
une plateforme sur laquelle les
partis devront se positionner.
Nous ne pouvons pas nous limiter à
réfléchir aux stratégies pour les femmes
sans considérer la stratégie nationale
et globale de la lutte pour l’indépendance.
Est-ce qu’il faut revenir vers
une organisation populaire de la résistance
et sous quelle forme ; ou est-ce qu’il faut se préparer à imposer notre
agenda sur la scène internationale en
donnant la priorité à un retour à la
table des négociations ? Est-ce qu’on
peut réunir les deux stratégies ? Cette
question des moyens dure depuis le
début de cette seconde Intifada. Nous
manquons - et ce n’est pas que pour
les femmes - d’une direction qui innove.
Nous sommes dans une période
d’enfantement sans savoir ce que l’on
va enfanter.
Propos recueillis à
Ramallah par
Monique Etienne,
le 10 novembre 2006.